Publicité

Des augmentations de salaire à plus de 10 %… tout en restant dans la même entreprise

La reprise conjuguée à la pénurie de compétences forment un contexte favorable à certains salariés. Pour eux, pas besoin de rejoindre une autre entreprise pour faire un saut de salaire : certains négocient des augmentations à deux chiffres tout en restant dans la même boîte.

Lors des premières levées de fonds, les start-up proposent des augmentations de salaire de 8 à 10 %, en moyenne.
Lors des premières levées de fonds, les start-up proposent des augmentations de salaire de 8 à 10 %, en moyenne. (iStock)

Par Florent Vairet

Publié le 16 nov. 2021 à 07:00Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:19

Carburant, fruits et légumes, électricité, gaz, prix du fret, tout est en hausse. Même les abonnements Netflix ont gonflé de 1 à 2 euros en octobre dernier. Et les profits du CAC 40 suivent la même tendance : les publications du premier semestre 2021 font état d'un montant record de 57 milliards d'euros de profits . Dans cet environnement haussier, quid des salaires ? « Les salariés du privé attendent, après deux ans d'efforts, leur juste récompense », a déclaré, ce 15 novembre sur RTL, Geoffroy Roux de Bézieux , le président du Medef.

Selon l'étude du cabinet Deloitte sur la rémunération publiée en septembre, 45 % des salariés n'ont pas eu d'augmentation en 2021 et près de 30 % ont vu leur rémunération progresser de moins de 2 %… soit moins que l'inflation, estimée par l'Insee en octobre, sur une année glissante, à 2,6 % (contre pour 0,5 % pour 2020).

De 20 à 25 % par an pour les meilleurs

Pour toutes ces raisons, le débat sur l'augmentation des salaires s'intensifie. Certaines entreprises semblent l'avoir déjà pris en compte. Selon le cabinet People Base CBM, qui conseille les entreprises sur leur politique de rémunération, les salaires devraient augmenter en moyenne de 2,4 % en 2022. Et selon un sondage de l'Association nationale des DRH, 46 % des répondants envisagent dans les prochains mois des évolutions dans leur politique de rémunération : mise en place d'accords d'intéressement, de critères de performance et valorisation des bas salaires.

Publicité

Avec la reprise économique, ces chiffres devraient être supérieurs dans des secteurs où les compétences sont rares. Zurich France, un assureur d'entreprises, n'hésite pas à octroyer des augmentations de plus de 10 % au moment de retenir des salariés « clés », dont le départ engendrerait des difficultés. « Il s'agit de jeunes cadres que nous avons formés, qu'il serait dommage de voir partir pour des raisons de salaire », précise Ouly Sané, DRH de l'entreprise.

La population la plus concernée par cette politique de rattrapage est celle de techniciens en souscription, ceux qui évaluent la prime d'assurance en fonction du risque encouru par le client. Ce sont ces meilleurs profils que les assureurs se piquent et se repiquent. « Le nombre de bons souscripteurs est restreint et tous connus par les acteurs du marché », confie Ouly Sané, qui déplore cette inflation salariale, avec des hausses pouvant atteindre de 20 à 25 % par an.

Hervé (le prénom a été modifié), vingt-sept ans, travaille pour le cabinet de conseil Artefact, spécialisé dans la transformation des données. La structure emploie des consultants mais aussi des data scientists, des ingénieurs et, pour faire face aux tensions sur le marché, elle a dû rehausser toute la grille. Hervé a pu en bénéficier, avec un surplus de 5.000 euros brut par an. Il a aussi décroché une augmentation grâce à son passage de grade. En tout, 40 % en plus sur un an. « Ça permet de voir les choses différemment, de prétendre à acheter un appartement plus grand », confie le jeune homme.

Plus ils ont d'infos, plus ils sont à même de négocier

Sans aller jusqu'à ces augmentations spectaculaires, la reprise se montre porteuse pour toute une partie des salariés. « Sur les marchés pénuriques, les augmentations atteignent facilement 10, voire 15 % par an », assure Stéphane Romano, chasseur de têtes pour Cala Partners. Cela concerne les profils tech, product, commerciaux, les métiers du digital et la chaîne logistique, de la cybersécurité et la maintenance industrielle, mais aussi les recruteurs (qui dit reprise, dit besoin de recruter). 

« Ces augmentations à deux chiffres sont surtout fréquentes dans les jeunes entreprises », commente Virgile Raingeard, fondateur de Figures, une start-up qui analyse et consolide les salaires de ses clients pour mettre en évidence qui est sous-payé (ou surpayé). Et d'ajouter : « Plus la start-up est jeune, plus les budgets dédiés aux augmentations de salaires sont élevés. Lors des premières levées de fonds, elles sont de 8 à 10 % en moyenne ! »

Autre contexte favorable à l'augmentation des salaires : la transparence. Même si le sujet reste encore tabou, de plus en plus d'entreprises rendent publique leur grille de rémunération. « Il n'est plus rare qu'un salarié dise par exemple à son management : 'Je suis allé voir la grille d'Alan [une entreprise qui a dévoilé ses salaires, NDLR] et je suis sous-payé.' Les écarts de salaires, jusqu'à présent masqués, se découvrent peu à peu, et les entreprises sont sous pression », observe Virgile Raingeard, pour qui la fin progressive de l'asymétrie d'informations sur les salaires bénéficie exclusivement aux salariés. « Plus ils ont d'infos, plus ils sont à même de négocier. »

Et pour décrocher leurs augmentations, certains vont plus loin que la simple réclamation et feignent le départ pour la concurrence. Ils passent quelques entretiens et reviennent avec une proposition de salaire plus alléchante. S'ils savent leur hiérarchie satisfaite de leurs performances, ils savent qu'elle ne devrait pas les laisser partir avec le risque de peiner à les remplacer. « La jeune génération a beaucoup recours à cette stratégie », confirme Stéphane Romano, qui déplore cette tactique de négociation qui peut laisser des traces dans la confiance entre l'employeur et le salarié.

Florent Vairet

Publicité