Si votre patron est un tyran qui vous terrifie et vous humilie en permanence, vous aimeriez sans doute l’échanger contre quelqu’un de si charmant que vous seriez heureux de lustrer son auréole le restant de votre vie. Mais avoir un chef gentil ne garantit pas le bonheur au travail.
Jayne Wood (ce n’est pas son vrai nom), qui travaille dans une université, raconte : “Mon patron est un homme adorable, mais travailler pour lui est une torture parce qu’il ne prend aucune décision avant de consulter le maximum de personnes. Il s’efforce de plaire à tout le monde de peur d’être impopulaire et, quand nous finissons par aboutir à une décision, les délais sont si courts que nous ne faisons rien de bon. Nous passons pour des incompétents. Le plus ennuyeux est que je suis moi-même trop ‘gentille’ pour faire quoi que ce soit contre cet état de fait.”

“A trop vouloir se faire aimer, explique Joan Lloyd, consultante en gestion, on obtient le résultat inverse. Au lieu de se rendre attachant auprès de son personnel, on finit par créer des rancoeurs et des conflits. La productivité baisse, puisque le patron n’arrive pas à prendre des décisions difficiles. Au lieu d’évaluer les faits et de trancher, il oscille au gré de la personne qui a son oreille à ce moment-là. Il est impossible de compter sur ce type de ‘patron Teflon’ pour qu’il défende avec fermeté les mesures arrêtées. La paralysie gagne tous les échelons inférieurs.”
Alors comment gérer un patron quelque peu irrésolu ? Il faut se dire que l’on se trouve dans une bonne position, estime Stephen Taylor, maître assistant en gestion des ressources humaines à la Manchester Metropolitan University. “Votre chef sera ouvert aux suggestions et sera content de déléguer certaines tâches. Aussi, ce sera bien si vous exposez vos idées et le déchargez d’une partie du lourd fardeau de la prise de décision.”

“Ma chef veut être l’amie de tout le monde”

“Si vous partez du principe qu’il est plus facile de s’excuser après coup que de demander la permission avant”, conseille de son côté Peter Honey, un psychologue d’entreprise, “alors, prenez l’initiative, à moins qu’on ne vous ait clairement dit le contraire. Puisque vous savez que le patron déteste les histoires, il y a de bonnes chances que vous soyez ‘autorisé’ à en faire beaucoup sans essuyer de reproches.” Mais il faut couvrir ses arrières.
“Pour les questions importantes, écrivez une note confirmant ce qui a été accepté - un courrier électronique fera l’affaire - et envoyez-la à votre patron en précisant que vous pensez que cela lui convient, sauf avis contraire de sa part.”

Pour Caitlin Harris, cadre moyen de l’éducation, le problème se pose différemment. “Ma chef veut être l’amie de tout le monde. Elle ne met aucune distance professionnelle entre le personnel et elle. Alors, au moment des évaluations, c’est le cauchemar. Elle me demande comment je juge mon propre travail et elle est d’accord sur tous les points que je soulève. Elle est prise de court si je lui demande son avis. C’est désespérant parce qu’elle n’émet jamais une opinion négative. Elle ne me dira jamais ce qui ne va pas dans mon travail.” Rob Briner, maître assistant en psychologie d’entreprise à l’université de Birkbeck, le confirme : les évaluations risquent de poser problème si le chef est trop gentil. “Quelqu’un qui ne peut dire quoi que ce soit de négatif sur votre compte n’est pas gentil du tout. Il ne peut pas assumer ses responsabilités de chef. Par certains aspects, il est plus difficile de s’y prendre avec ce genre de patron.”